
Ils témoignent ... - Benjamin et Violette Tatete, porteurs de projets chez HSF et fondateurs de Tatete Vein Center.
Dr Benjamin Tatete, Chirurgien vasculaire, et son épouse, Mme Violette Tatete, infirmière spécialisée en soin des plaies, ont créé en 2018 la Fondation Tatete Vein Center, une ASBL congolaise. Ils ont ensuite ouvert la clinique TVC Medical dans un quartier populaire de Kinshasa où ils facilitent l’accès aux soins de santé pour des patients financièrement défavorisés. La clinique est équipée en grande partie par Hôpital Sans Frontière, avec qui le couple est en partenariat depuis l’ouverture du centre.
1. Pouvez-vous nous parler de votre histoire et de celle de votre hôpital ?
B. Tatete : En 2018, nous avons conçu le projet de développer une clinique à Kinshasa. A cette époque, nous avons pris contact avec HSF et, grâce à cette collaboration, nous avons pu ouvrir TVC Medical dans de bonnes conditions.
Au fil des ans, nous sommes devenus une référence dans la prise en charge des ulcères chroniques qui, par manque de soins ou de traitements adaptés, sont un réel fléau en RDC et en Afrique subsaharienne. Dans la croyance populaire, ces plaies sont généralement associées à un mauvais sort. Dès la prise de contact avec le patient, nous réalisons obligatoirement un bilan de santé sur base duquel se déroulera le traitement. Cela nécessite des équipements modernes ainsi qu’une infrastructure comprenant, entre autres : le box de consultation, la salle de soin, le bloc opératoire, et bien évidemment, un lit en cas d’hospitalisation. Le patient peut ainsi être correctement suivi en mode résident ou en ambulatoire.
Nous sommes situés dans un pays à faible revenu, pour ne pas dire en voie de développement. TVC Medical est implanté dans un quartier populaire, assez pauvre, de Kinshasa. La majorité des personnes touchées par les ulcères chroniques sont des personnes très paupérisées. Dans une capitale peuplée de plus de 20 millions d’habitants se posent des problèmes consécutifs à l’exode rural massif de la province vers la ville. La population est relativement jeune – plus de la moitié en dessous de 19 ans – ce qui pose des problèmes spécifiques. Pour faire face, nos services proposent un protocole d’aide avec des prises en charge à bas coût permettant l’accessibilité aux soins.
Notre démarche consiste en une approche holistique : une structure hospitalière polyvalente est donc nécessaire pour garantir des soins pluridisciplinaires au patient. TVC Medical s’est ainsi diversifié en accueillant des services tels que : pédiatrie, gynécologie, médecine interne, etc. Nous devons donc les équiper avec du matériel ad-hoc pour la kinésithérapie, la gynécologie, les endoscopies, etc. HSF fournit deux tiers de notre matériel. Il doit être renouvelé en moyenne tous les 5 ou 6 ans. Pour ce faire, nous avons tenté de nous approvisionner sur place (donc en RDC) où nombre d’équipements proviennent d’Asie avec une qualité souvent suboptimale. Pour cette raison, nous continuons de faire appel à HSF pour du matériel spécialisé comme des appareils électroniques, de radiographie p.ex.
2. Quels étaient les principaux défis auxquels vous étiez confronté(e)s avant de recevoir notre soutien ?
B. Tatete : Notre plus grand défi consiste en l’approvisionnement de matériel. La RDC est un pays en voie de développement, cela signifie que les investissements dans le domaine de la santé y sont très limités. En pratique, l’hôpital doit importer tout le matériel médical. Le coût des soins et du matériel explose : une sonde peut couter 2 à 3.000€. La sécurité sociale n’existe pas. Seuls quelques rares privilégiés disposent d’une assurance médicale. Dans ces conditions, peu de patients peuvent assumer financièrement leurs soins.
Un deuxième défi est le transport. Le matériel doit être acheminé par bateau. Or le Congo n’a quasi plus de compagnies maritimes, avec pour conséquence une liaison maritime onéreuse. Pour un container de 12 pieds, le total frise rapidement 12 à 14.000€ pour les frais de transport et de dédouanement. Nous devons donc optimiser les acheminements afin de modérer ces coûts dans la mesure du possible.
Sur le plan financier, la fondation Tatete n’est pas subventionnée. Les frais associés aux charges de fonctionnement et d’investissement sont donc payés en fonds propres, la paie du personnel étant bien évidemment prioritaire. Les taxes et impôts constituent également une charge substantielle. Il est donc important qu’HSF nous permette l’accès à du matériel de qualité à prix modéré.
Evidemment, d’autres défis existent p.ex. en matière de maintenance. Nous aurions souhaité employer des biotechniciens chevronnés qui peuvent nous aider à entretenir et réparer le matériel. Or, nous sommes confrontés à une pénurie dans ce type de qualification. Nous pilotons l’hôpital à distance et sommes souvent confrontés à un retour déficient. Ainsi, un respirateur peut tomber en panne en janvier et ce n’est qu’au mois de mars, voire en avril, que nous sommes informés de problèmes non résolus. Si on réussit à trouver un équipement de remplacement, par exemple avec HSF, on doit encore attendre que ce dernier parvienne à Kinshasa. Pendant ce temps, certaines interventions ne sont pas réalisées. Elles sont postposées ou, encore, réalisées ailleurs. Si nous avions des personnes pouvant diagnostiquer la gravité du problème à temps, nous pourrions anticiper.
Le dernier défi est donc au niveau de l’éducation. Il y a un problème dans la qualité de la formation, pratiquement dans tous les domaines. Dans la technique, nous devons parfois faire appel à des « bricoleurs ». C’est un vrai challenge car il est difficile de démêler le vrai du faux dans le domaine de la biotechnologie. Nous sommes des médecins, des chirurgiens, des infirmiers et des administrateurs et non des techniciens. Notons aussi qu’HSF joue à ce titre un rôle social indirect puisque le personnel technique a l’opportunité de se former à la maintenance des matériels utilisés en Europe.
3. Comment avez-vous entendu parler de notre ONG et qu’est-ce qui vous a incité à solliciter notre aide ?
B. Tatete : On a entendu parler de HSF grâce à un infirmier avec qui je travaille au groupe Helora à Tubize. Il est également rotarien et a déjà réalisé plusieurs missions dans des hôpitaux en Afrique subsaharienne. Le dialogue est donc facile parce que, contrairement à beaucoup de personnes, il a une pratique du terrain et comprend la difficulté des actions humanitaires. Grâce à ce contact, on a donc pu entamer notre partenariat avec HSF.
V. Tatete : Sans HSF, on aurait eu beaucoup de difficulté pour équiper l’hôpital de Kinshasa. Grâce aux donations d’HSF, le personnel peut assurer des interventions dans un environnement fiable. On sait que le matériel fourni par HSF est testé et donc prêt à l’emploi : il servira vraiment. C’est comme si nous étions dans un hôpital belge ou européen. Cela nous rassure et permet de porter notre attention sur la résolution des problèmes de santé. C’est quelque chose de très important pour nous.
Ce qui est super c’est que HSF nous procure non seulement des équipements lourds (appareils, lits médicaux, meubles,…) mais nous fournit également du petit matériel comme les masques, les gants,… qui coûtent très cher ou, à qualité égale, sont même introuvables sur place.
4. Y a-t-il quelque chose que vous aimeriez ajouter ou partager avec ceux qui pourraient lire cet article ?
B. Tatete: Votre organisation a créé une filière d’approvisionnement fiable et de qualité visant le recyclage du matériel « obsolète » mais néanmoins en parfait état de fonctionnement. Je remercie et encourage donc HSF à poursuivre ce genre d’action. Etant du domaine médical, je reçois souvent des offres… Vraisemblablement d’escrocs qui nous proposent de récupérer le matériel pour 2-3 millions d’euros du fait que, soi-disant, tel ou tel hôpital ferme p.ex. en Allemagne.
Si HSF disposait d’associations sœurs en Europe, cela permettrait de décupler le terrain d’action et de récupérer davantage de matériel encore. Partout dans le monde, les pays à faible revenus auraient ainsi plus de facilité à devenir des partenaires de l’Occident avec des infrastructures comme la vôtre. Le reconditionnement d’équipements permet en effet de tisser indirectement des liens de coopération entre l’Europe et l’Afrique.
En résumé, Hôpital Sans Frontière est une petite goutte d’eau dans l’océan mais c’est une goutte d’eau très précieuse et importante pour beaucoup de personnes, directement et indirectement.
V. Tatete: Il faut aussi savoir que TVC Medical est ouvert à toute personne désireuse de venir nous donner un coup de main pour l’entretien du matériel sur place. Pareille aide est toujours bienvenue car, outre les donations en matériel, l’entretien des équipements et la formation des techniciens contribuent grandement au bon fonctionnement de l’hôpital.
J’ajouterai que, grâce à l’hôpital et dans la mesure de nos moyens limités, nous finançons également quelques projets qui doivent répondre à quatre objectifs : les soins de qualité pour tous, la formation du personnel médical local, l’entreprenariat au bénéfice des jeunes, les actions de nature sociale. Nous avons besoin d’un coup de main dans toutes ces structures : en donations financières, en aide matérielle ou encore via le bénévolat. Notre site procure de nombreuses informations à ce sujet : www.tvcmedical.org ou encore les pages Facebook https://www.facebook.com/TVCmedical et https://www.facebook.com/FondationTVC
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